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Art: en finir avec les foires physiques?

Les espaces virtuels ont remplacé les espaces privés des galeries ou des stands de foires, la crise a eu le mérite de faire naître une multitude d’initiatives collectives et participatives. 

Le monde de l’art, le monde de la culture, des galeries, musées et foires s’est arrêté un temps, comme le reste du monde. Il doit se réinventer, comme le reste du monde. Il mise pour son salut sur une activité importante en ligne pour exister, communiquer, attirer et vendre. Tout est bon pour se manifester: expositions en ligne, du sobre au très sophistiqué, collections d’images à des visites 3D. L’art est créé pour être présenté, consommé et acheté en ligne. Comme l’art de David Hockney, créé sur un iPad par un artiste de 82 ans! L’offre est énorme sur Internet, parfois même quotidienne, avec certaines galeries qui envoient un email par jour. 
Toutefois, la différence est prononcée entre les grandes et les petites galeries et reflète la présence et le positionnement des galeries sur le marché international. Trois catégories: les méga-galeries qui sont des multinationales, avec des centaines d’employés et des départements entiers… moins ceux récemment licenciés ou mis au chômage technique; les galeries de tailles moyennes qui logiquement devraient le plus souffrir de la crise actuelle et les petites galeries les plus aptes à résister et rebondir grâce à des moyens ingénieux et pratiques.

Du réel au virtuel
L’art est fait pour être vu en personne et pas en ligne. Les outils digitaux sont des ersatz d’expériences réelles. Mais tout change! Pendant la pandémie, les galeries ont fermé, les lieux culturels aussi. Les foires sont annulées ou reportées. Idem pour les ventes aux enchères. Avec le déconfinement, tout rouvre avec lenteur et de nouvelles règles pour les usagers.
La reine des foires sur le circuit international, Art Basel en Suisse, déjà reportée à septembre prochain, sera-t-elle reportée à nouveau? Ou simplement annulée cette année? Sa petite sœur asiatique, Art Basel Hong Kong, a déjà été annulée en mars dernier ainsi que Frieze New York du mois de mai. Ces foires ont proposé à la place des plateformes pour les galeries exposantes pour présenter des œuvres en ligne à acheter. Avec des résultats plus ou moins satisfaisants.
A la grande époque des foires, pas si lointaine puisque Art Basel Miami a bien eu lieu en décembre 2019, il était de coutume que les galeries participantes envoient en «preview» aux happy few des luxurieux PDF pour leur présenter en avant-premières les œuvres destinées à la foire mais souvent pré-vendues. La diffusion de l’information avant la foire s’est répandue et élargie à un nombre de personnes beaucoup plus élevé. Cette stratégie finit par rendre la visite réelle à la foire inutile. On peut se demander pourquoi se déplacer? Si ce n’est pour voir des œuvres déjà vues en virtuel, des semaines en avance.
Pour 2020, les projections de ventes d’objets d’art et de luxe sont clairement à la baisse. Personne ne sait à quoi ressemblera le volume d’ensemble des transactions à la fin de l’année 2020. Moins 50 ou 75% par rapport à l’année 2019? Selon l’ADDA (Art Dealers Association of America), les galeries américaines voient leurs chiffres d’affaires baisser de 31% au premier trimestre de 2020. Est-il possible à l’arrivée de l’été, du beau temps et du déconfinement de s’imaginer la proximité sociale pour aller voir des œuvres d’art? D’imaginer les collectionneurs internationaux se rendre à Bâle à la rentrée en septembre et se côtoyer par milliers en salles fermées ? 
Une baisse d’activité des foires est à attendre et avec elle, une baisse de leur importance. Certaines sont amenées à disparaître et avec elles, une partie du tourisme de l’art. Il est devenu possible de souhaiter revenir aux racines premières des foires: faut-il les redéfinir pour les rendre aux professionnels avant tout? Ou les éliminer en développant de nouveaux modèles? Après les excès, place à de nouvelles manières de fonctionner et de diffuser les artistes et leurs œuvres.

L’ennemi de hier devient l’allié providentiel
Un nouveau créneau est le développement des activités de commerce en ligne. Comme Net-à-Porter ou Zalando - voir et acheter en ligne depuis son bureau ou son salon ou bureau. Ce marché en ligne est à développer et gérer par les deux grandes maisons de ventes que sont Sotheby’s et Christie’s pour offrir aux galeries de nouveaux débouchés et des relations directes avec des collectionneurs à distance. Les ennemis d’hier deviennent les amis ou alliés d’aujourd’hui. Les maisons de ventes et les galeries de premier marché ou les marchands... unis? Et pour faire contre-poids aux foires?  
C’est en marche. Sotheby’s a annoncé en avril son partenariat avec un groupe de galeries de New York, sur invitation, pour lancer une nouvelle plateforme digitale, Gallery Network, gérée par Sotheby’s qui permettra aux collectionneurs internationaux d’acquérir des œuvres d’art en ligne immédiatement avec le cachet et prestige qu’amène Sotheby’s à une clientèle variée et dispersée à travers le monde. Les maisons de ventes possèdent le plus grand rolodex qui soit. Elles peuvent, sur une plateforme sécuriser les interactions entre les galeries, les marchands et les collectionneurs et faire la compétition aux foires.
Le résultat de cette association est que les maisons de ventes feront enfin du premier marché et les galeries du deuxième marché. Elles seront liées et complémentaires. La place du marché sera plus transparente pour l’acheteur, c’est un plus! On remarque des pourcentages en commission pour chaque transaction étudiés et plus attractifs de 10% au lieu des 25% pratiqués à ce jour. Il s’agit là d’un pas vers un nouveau type de commerce de luxe. Pour les galeries, c’est une internationalisation de leur portefeuille d’acheteurs. 

Des marques de luxe
Dans le contexte actuel de crise, des galeries multinationales comme Zwirner ou Perrotin invitent d’autres galeries beaucoup plus fragiles à se présenter avec leurs artistes sur leurs plateformes pour les diffuser à grande échelle. Altruisme? Hauser & Wirth a son propre modèle et devient une marque de luxe comme LVMH ou Prada. Partout, tout le temps, art et style de vie!
Les très grandes galeries sont devenues un «brand», comme les grandes maisons de ventes. Christie’s et Sotheby’s sont des brands inclusifs qui peuvent tout prendre sous leur aile, sur leur site, tout comme Google et Amazon le font avec des livres, des tomates ou des fers à repasser! Tout montrer et tout proposer à vendre en permanence.
A l’avenir, il est envisageable que les grandes maisons de vente abandonnent entièrement l’idée de proposer du «faux luxe» et deviennent les plus grosses plateformes de ventes d’objets d’art en ligne. Les petites salles de ventes seront amenées à passer à la trappe avec le temps. Le but serait de prendre position sur le premier marché aujourd’hui.  Un premier marché aujourd’hui verrouillé par les galeries. 
Pour les galeries, sécuriser leur participation équivaut sans doute à leur survie et cela aussi longtemps que les foires resteront fermées et ou virtuelles. Dans leur fonctionnement classique, les foires représentaient des ventes équivalant à 50 ou 75% ou plus de leur chiffre d’affaire annuel. Des conversations accumulées en quelques jours avec des amateurs et acheteurs qui leur durent une année entière. 
Le monde change fort et vite, et s’adapte à de nouvelles normes de fonctionnement. Le marché de l’art aussi. La pandémie et la crise qui s’en est suivie ont agi comme un accélérateur de transformation des outils de communication et de consommation. Cette crise a le mérite de motiver les galeries à multiplier les initiatives collectives et participatives; de développer à l’échelle d’une scène locale en s’associant les moyens de diffuser leurs activités. Et si seulement cette crise faisait revenir le public et les collectionneurs dans les galeries à l’échelle de chaque scène culturelle locale et en remplacement des foires? 


English version
 

Art: The End of Physical Fairs?

Virtual spaces have replaced the private spaces of galleries or trade fair stands, and the crisis has had the merit of giving rise to a multitude of collective and participatory initiatives.

The world of art, the world of culture, galleries, museums, and fairs came to standstill, as did the rest of the world; and it must reinvent itself, like the rest of the world.  For it’s salvation it is betting on the importance online activity in order to exist, communicate, attract and sell. Everything is on show: online exhibitions, from the sober to the very sophisticated, image collections to 3D visits. Art is created to be presented, consumed and bought online. Like the art of David Hockney, created on an iPad by an 82-year-old artist!
The offer is huge on the Internet, sometimes even daily, with some galleries sending an email every day. However, the difference is pronounced between large and small galleries and reflects the presence and positioning of galleries on the international market. Three categories: the mega galleries which are multinationals, with hundreds of employees and entire departments... minus those recently laid off or technically unemployed; the medium-sized galleries which logically should suffer most from the current crisis and the small galleries which are most able to be resilient and bounce back thanks to ingenious and practical measures. 

From real to virtual
Art is meant to be seen in person, and not online. Digital tools are can be a poor substitute for real experiences. But everything is changing! During the pandemic, galleries have closed, so have cultural venues. Fairs are canceled or postponed. The same goes for auctions. With the deconfinement, everything is slowly reopening with new rules for users. Will the queen of fairs on the international circuit, Art Basel in Switzerland, which has already been postponed until next September, be postponed again? Or will it simply be canceled this year? Its little Asian sister, Art Basel Hong Kong, has already been canceled in March and Frieze New York in May. These fairs offered instead platforms for exhibiting galleries to present online works for purchase. With more or less satisfactory results. In the bygone era of the fairs, not so long ago since Art Basel Miami did indeed take place in December 2019, it was customary for the participating galleries to send the happy few lustrous PDFs to preview the works intended for the fair but often pre-sold. The dissemination of information prior to the fair has spread and expanded to a much larger number of people. This strategy ends up making an actual visit to the fair unnecessary. One might ask, why travel? If not to see works already seen virtually, weeks in advance.
For 2020, projections for sales of art and luxury goods are clearly on the decline. No one knows what the overall volume of transactions at the end of 2020 will look like. 50 or 75% less than in 2019? According to the ADDA (Art Dealers Association of America), American galleries will see their turnover drop by 31% in the first quarter of 2020. Is it possible, with the arrival of summer, good weather and the decline in confidence, to imagine the social proximity of going to see works of art? Can you imagine international collectors coming to Basel in September to see thousands of works of art in closed rooms? A dip in exhibition activity is to be expected and with it a decline in their importance.
Some fairs are bound to disappear and with them a part of art tourism. A wish to return to the original roots of the fairs has opened up: should they be redefined to return them to the professionals first and foremost? Or should they be eliminated by developing new models? After the excesses, there is room for new ways of operating and disseminating artists and their works.

Yesterday’s enemy becomes the providential ally
A new niche is the development of e-commerce activities. Like Net-à-Porter or Zalando - you see and buy online from your office or living room. This online market is to be developed and managed by the two major auction houses, Sotheby's and Christie’s, offering galleries new outlets and direct relationships with collectors at a distance. Yesterday’s enemy becomes today’s friend or ally. Auction houses and first market galleries or dealers... united? And as a counterweight at fairs? It’s already happening. Sotheby's announced in April its partnership with a group of New York galleries, by invitation, to launch a new digital platform, Gallery Network, managed by Sotheby's, which will allow international collectors to acquire artworks online immediately.

Luxury brands

In the current context of crisis, multinational galleries such as Zwirner or Perrotin invite other much more fragile galleries to present themselves and their artists on their platforms in order to disseminate them on a large scale. Altruism? Hauser & Wirth has its own model and is becoming a luxury brand like LVMH or Prada. They are everywhere, all the time, art and lifestyle!
Very large galleries have become a "brand", like the big auction houses. Christie's and Sotheby's are inclusive brands that can take everything under their wing, on their website, just like Google and Amazon do with books, they show everything and offer everything for sale at all times.
In the future, it is conceivable that the big auction houses will give up the idea of offering "false luxury" entirely and become the biggest platforms for online art sales. Smaller auction houses will be forced to give up in time. The aim would be to take a position in the primary market today.  A primary market currently controlled by the galleries. For the galleries, securing their participation is undoubtedly equivalent to their survival, and this for as long as the fairs remain closed and/or virtual. In their typical function, fairs represented sales equivalent to 50 to 75% or more of their annual turnover. Conversations accumulated in a few days with admirers and buyers last them a whole year.  
The world is changing fast and dramatically, and adapting to new standards of operation. So is the art market. The pandemic and the ensuing crisis have acted as an accelerator for the transformation of communication and consumption tools. This crisis has the merit of motivating galleries to multiply collective and participatory initiatives; to develop like local scene, creating associations as a means to broadly disseminate their activities. And if this crisis brings the public and collectors attention back to the galleries at the level of each local cultural scene, could this replace the fairs?